dimanche 10 décembre 2006

Explication de la Sagesse






L’éducation par l’image s'intéresse à la façon dont chacun s'investit dans les images.


1- De l'image psychique à l'image matérielle.

Je pars du spectateur, de l'image psychique qu'il a crée, pour venir vérifier ensuite ce qui l’étaye dans la construction du film. Cette démarche permet de rentrer dans la qualité de la réception du film. C’est l’aller et le retour de l’image psychique à l’image matérielle qui fonde ma démarche. Dans un deuxième temps le trajet s’inverse : de l’image matérielle vers l’image psychique.

Cette méthode me permet dans un premier temps d’identifier les niveaux sur lequel l’interprétant se situe dans sa lecture et dans son aperception. Pour l'amener dans un second temps à la complexité en jeu dans le film. Pour remettre au spectateur, le fait que son impression de réalité, la situation dramatique, la sensation plastique, ou bien la signification qu’il éprouve, sont le résultat d’une construction.

Ce découpage en niveaux d’analyse que je propose au public, sert à étayer sa compréhension de l'esthétique du film. Il sert aussi à identifier la sensibilité des personnes selon une première typologie (sensations, émotions, pensées). Nous vérifions avec le spectateur qu'il a été plus sensible à l’un ou l’autre des niveaux de la construction du film – ce qui offre aussi bien un indice de sa position, de la qualité de son ouverture à l’autre et au monde.

2- la leçon de sagesse
Dans cette posture d’animation où la sensibilité du spectateur sert de départ à l’intervention, j’ai trouvé indispensable de travailler autour d’une leçon de sagesse que le film nous offre et qu’il revient à chacun d’exprimer en tant qu’être humain. Ce n’est pas une donnée tangible du film, il faut la mettre en évidence. Cette leçon permet de dégager le plan d’existence sur lequel nous nous situons à l’occasion du film. Il s’agit d’un plan d’univers. Ses images, son récit, la question qu’il nous adresse, nous font rentrer dans cette dimension où nous sommes interpellés sur la même surface existentielle que le monde, les choses, les autres.
Cette dimension le film ne la délivre qu’à notre contact. Et il revient à chacun de l’exprimer avec ses espérances, ses croyances personnelles ; Cependant le message est à valeur universelle parce qu’il s’agit d’un plan d’univers. Universalité non pas de principe mais de fait, qui s'établit avec le grain personnel et singulier avec lequel nous entrons dans le film. Cette leçon de sagesse que nous extrayons du film est proche de son centre gravité. le film consiste dans un problème autour duquel tournent ses évènements et qu’il nous adresse. Pivot de sa construction ou de son esthétique à travers son propos dés lors qu’il s’adresse au lecteur sous forme d’une interrogation ouverte.
Nous devons extraire cette sagesse du plan d’immanence construit au contact du film qui concerne aussi bien la personne, le collectif ou le monde. Il nous revient de dégager ce plan du film en le délivrant de tout contenu moralisateur pour en déployer la portée et la puissance. A partir du film, l’espace physique d’énonciation collective du public, dans l’accueil des sensibilités, s’ouvre à la totalité du monde. Et inversement le monde rentre dans l'expression, dans les mots de chacun à propos du film, de façon saillante, dans un cadre paisible. Il y rentre en vérité. Le film a une esthétique qui vient nous prodiguer un savoir de cette nature. Je trouve nécessaire de le soutenir et le mettre en rapport avec le caractère précieux de notre existence.

3 - De l’éducation à l’image, à l’éducation par l’image.
Contrairement à l’éducation à l’image qui dispense un savoir sur le film, l’animateur et le spectateur qui expriment la leçon de sagesse du film, font résonner le problème du film. Cette résonance a rigoureusement besoin du spectateur avec lequel elle forme une surface universelle et concrète - où peuvent s’accrocher l’ensemble des événements de l’univers et mettant à égalité toute forme de vie. Ce n’est pas une leçon abstraite. Ce qui fait la différence entre une leçon de sagesse et une leçon de morale c’est l’espace de respiration qu’elle offre. Cette offrande est la dimension d’ouverture du dispositif d’éducation, selon le respect de quatre termes : Le respect du film, le respect du spectateur, le respect qu’à de lui-même l’intervenant ; enfin le dernier respect de ce qui en constitue le cadre : la parole, l’échange.

Alain ARNAUD

(Résumé de mon étude parue dans la revue du Circav N°18. "Les impuretés du cinéma"
Editions L'Harmattan, février 2007).



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